Alors Gaël, peux-tu nous raconter ce qui s’est passé cet été dans ta discipline ?
Ce fut un été riche en rebondissements dans ma discipline, avec des désillusions et des moments merveilleux riches en émotions ! Les championnats d’Europe de Berlin ne se sont pas passés comme tout le monde pouvait le penser ou l’espérer, notamment avec l’abandon de Kevin Mayer ultra favori de la compétition qui échoue par trois fois lors de ses essais au saut en longueur.
Résultat : Zéro point sur le saut en longueur ce qui lui laisse perdre toute chance de gagner la compétition. Frustré et gagnant comme il est, il abandonne pour se préparer pour un meeting un mois plus tard mi-septembre et c’est à cette occasion qu’il va battre le record du monde du décathlon !
Comment vit-on chacune de ses étapes alors que l’on ne peut pas participer à ses rendez-vous, peut-on être un peu jaloux que les autres y soient ?
Etant un compétiteur, c’est frustrant de vivre ce qui s’est passé sur les championnats d’Europe sans pouvoir y faire quelque chose. Avez-vous noté que ce jour-là, les trois français engagés sur le décathlon ont tous les trois fait Zéro sur le saut en longueur ?
Un mois après, lors du meeting à Talence, j’ai vécu ce record du monde avec énormément d’émotions voyant Kevin s’y rapprocher de plus en plus, au fur et à mesure que les épreuves s’enchainaient !
Heureux d’une déconvenue d’un ami et néanmoins adversaire en compétition ?
Heureux de sa déconvenue sur le championnat : NON ! Car le décathlon c’est particulier, il règne un sentiment de partage et de soutien entre tous les décathloniens pendant et en dehors des compétitions. On pourrait dire solidaires pendant la compétition et adversaires à la fois pendant les épreuves. C’est ce qui fait la particularité de notre discipline.
Pas trop découragé quand il pulvérise un record mondial ?
Découragé que Kevin pulvérise le record du monde : NON ! Mais je me suis posé des questions et remis en question. Il est presque à plus de 1.000 points de mon record. Ça laisse un peu sous le choc ! C’est une performance énorme, à la limite de l’imaginable pour vous dire l’énormité de la performance qu’il a pu faire.
Quelle décision as-tu prise pendant ta rééducation avec toute cette actualité ?
Tout ce qui s’est passé pendant ma convalescence et ma rééducation n’a fait que renforcer mon envie de me battre et d’aller chercher de grosse performance ! Je ne m’imagine pas aller chercher le record du monde ! Je suis réaliste, Kevin est un virtuose dans la discipline mais ça laisse envisager de belles choses. Lorsque que l’on voit que quelqu’un casse les codes et les limites, on se dit pourquoi pas moi ?
Maintenant te revoilà sur la piste (notamment en stage au Texas), racontes-nous tes objectifs, ton plan de travail, tes premiers sentiments …
Je suis en effet en stage dans une faculté au Texas, afin de faire un bloc d’entrainements de 15 jours bien intenses dans des conditions climatiques un peu plus chaudes qu’à Lille me laissant l’opportunité de faire des séances de course sur piste avec plus de qualité.
Le plan depuis la reprise, c’est le physique. Me refaire la santé physique que j’ai perdu suite aux deux mois d’arrêts forcés que j’ai eu cet été pendant cette saison hivernale (un gros retour sur les basiques indispensables pour remettre en place les bons gestes et bons schémas), pour envisager un retour en compétition cet été avec de belles performances ! Comme tous, lors d’une reprise et voyant le travail et le chemin à faire c’est la même question : « Est-ce que je vais y arriver ? Que c’est long ! … » Mais j’aime les défis et je suis un bosseur…
As-tu l’impression de tout recommencer depuis le début ? Le fait d’être un sportif de haut niveau t’aide-t-il à mieux le vivre ?
Tout recommencer ? NON ! Après 15 ans de pratique, c’est inscrit dans mon ADNJ. Plus sérieusement, j’ai engrangé beaucoup d’expériences et de maitrise sur le point technique, comme je le disais juste avant, c’est retrouver les qualités physiques qui demande le plus de travail.
Que te dis-tu tous les jours (ou que t’aies-tu dit ces derniers temps) ?
Ce que je me dis tous les jours ? Que j’arriverai au bout du but que je me suis fixé ! Je veux le faire, je veux y aller et j’irai !
La suite, c’est quoi ?
La suite ? Bien évidemment, c’est Tokyo dans ma tête, mais avant ça, ceux sont toutes les compétitions me permettant de me perfectionner au fur et à mesure, l’été prochain, pour être au top et envisager de grosses performances l’année des Jeux Olympiques.
Si je reprends les principes de Léonard de Vinci :
- Refaire le physique et foncier (les basique et fondamentaux) : le principe d’économie,
- Retour à la compétition l’été prochain, ajustement des réglages, et apporter du plus si il le faut : le principe d’optimisation,
- Planification sans faille physiquement et mentalement pour l’année des Jeux Olympiques : le principe de précaution.
A titre comparatif on pourrait dire que Kevin Mayer est le Léonard de Vinci du Décathlon !
Merci Gaël, alors bon retour aux basiques et à la beauté du geste simple, et à bientôt, en 2019, pour développer ensemble le principe d’Optimisation.