L’échec et la réussite sont le Yin et le Yang de l’activité humaine. De fait, si notre regard sur l’échec changeait, il influerait à coup sûr notre rapport à la réussite. Nous devons comprendre l’échec, l’analyser, se l’approprier pour le transformer. Echec vient du persan chāh, roi ; autant dire que le mot n’est pas si négatif qu’il n’y paraît ! Mais ce mot est compris comme l’antonyme de réussite, de succès par rapport à un référentiel, à une norme. Or l’échec n’est pas définitif, comme dans le jeu, le roi peut être mis en échec et sauvé ; quand bien même il y aurait échec et mat (en persan chāmat), rien n’empêche de recommencer la partie !
L’échec est la sanction « objective » d’une entreprise (ce que l’on entreprend) ou d’une expérience (ce que l’on essaie) et la réaction à l’échec est au mieux le fatalisme, au pire la culpabilité. Dans les deux cas il est compris comme une faute de responsabilité. Pourtant, la faute de responsabilité ne serait pas d’avoir échoué mais serait plutôt de ne pas avoir essayé, de ne pas avoir entrepris (1).
Entreprendre, c’est s’engager, se mettre en risque, se mesurer au risque ce qui ne signifie pas se mettre en danger mais s’affranchir de toute peur de la déconvenue ; là est le véritable dépassement de l’échec.
L’échec ne peut pas être évité, mais il doit être appréhendé. Le plus souvent, c’est la crainte d’échouer qui nous pousse à sur-agir, à s’agiter, nous devrions dire à s’occuper afin de justifier, par manque de temps, la limitation de la performance. Ce sur-engagement improductif conduit au non-échec, certes moins visible que l’échec mais tout aussi dévastateur.
L’organisation de notre modèle sociétal repose sur la réussite, le succès, la compétition, la performance, le challenge, l’évaluation, la reconnaissance ; Il est question de jugement à chaque étape de notre développement. Le jugement positif est un compliment, il encourage. Le jugement négatif est un blâme, il décourage.
La stratégie de la réussite est semble-t-il l’apanage d’un petit nombre, formé aux méthodes du dépassement de soi et doté d’un tempérament de gagnant. Pour les autres, le plus souvent, la réussite effraie, par ce qu’elle présuppose d’exigence, de sacrifices, et de reproductibilité.
C’est typiquement ce genre d’attitude qui conduit à la non-réussite, encore une fois peu visible, mais elle aussi tout aussi dévastatrice. Ainsi, une grande majorité, soit près de 70% des individus, sont en situation de non-réussite ou de non-échec. Les premiers échouent à réussir par peur d’une forme de sur-sollicitation professionnelle, les deuxièmes réussissent à ne pas échouer complètement par peur d’être marginalisés, et sanctionnés (2).
Les individus définis ci-dessus deviennent de fait la norme, et cette norme se fait moyenne, forme de maître étalon de la performance. Si la supériorité et l’infériorité font état de ce qui est supérieur et de ce qui est inférieur, il n’existe pas en français de « moyenneté » comme le rappelle le philosophe Alain Deneault. C’est donc le substantif médiocrité qui désigne ce qui est moyen en faisant de la médiocratie la norme ayant valeur d’autorité et de mesure. Chacun évoluera donc dans ce système qui ne nuit pas à l’individu puisqu’il lui apporte une zone de confort mais qui impacte fortement, et durablement, la performance et la rentabilité de l’entreprise dans une économie concurrentielle et mondialisée.
Sortir de sa zone de confort est une aventure périlleuse et il ne faut pas avoir peur de l’échec pour se lancer ce genre de défi ! L’aphobia (absence de crainte) peut conduire au succès à condition de connaître ses limites. Lénine l’écrivait en mars 1923 dans la « Mieux vaut moins mais mieux », et si cette pensée du Père de la révolution bolchévique s’appliquait à la réforme de l’appareil d’Etat soviétique, elle pourrait aujourd’hui s’appliquer à chacun de nous afin de mesurer notre capacité à agir en fonction de nos compétences. Il est donc nécessaire de faire « prendre conscience », à l’ exclusion de toute notion de jugement ou de culpabilité, comment il devient possible d’agir non pas en faisant plus, mais en faisant mieux.
C’est le travail de l’Echécologue®, identifier et anticiper les différents obstacles qui empêchent les personnes, les équipes, les organisations d’atteindre les objectifs définis, voire de les redéfinir sous l’angle d’une ambition nouvelle (3).
La réussite passe par la confiance en soi et par le respect de toute personne. De Sénèque à Hippocrate, l’homme est au cœur de l’action.
« D’abord, ne pas nuire » conseillait Hippocrate à ses élèves et pour Sénèque « C’est dans la vertu qu’est placé le vrai bonheur ». C’est donc bien l’homme, l’humain qui est en jeu et il est fondamental que l’individu identifie clairement ce qui a pu le conduire à la limitation. Descartes va plus loin et parle de « l’homme généreux » comme celui « qui connait qu’il n’y a rien qui véritablement lui appartienne que cette libre disposition de ses volontés ». L’homme généreux est donc celui qui ne manquera jamais de volonté pour entreprendre tout en reconnaissant l’éventualité de l’échec et la nécessité de l’affronter le temps de le dépasser (4).
L’échec est donc la face obscure du succès et la notion d’échec repose sur notre éducation. La mentalité de l’échec vs la honte du succès !
Travailler sur les raisons qui ont conduit à l’échec c’est aussi et surtout travailler sur les facteurs clés de la réussite. Mc Kinsey a défini les 7S : Stratégie, Structure, Système, Staff, Style, Skills compétences), Sharedvalues (valeurs partagées).
L’Echécologie® a pour but d’améliorer la rentabilité de l’entreprise mais pas uniquement ; l’Echécologie®, c’est aussi et surtout permettre l’expression du potentiel individuel et collectif des collaborateurs (5).
Et vous, que réussiriez-vous si vous n’aviez pas peur d’échouer ?
Claude & Pascal
Echécologues
Pour aller plus loin, vous pouvez vous reporter aux sources suivantes :
- La Compétition : Apprentissage de l’Echec. Le blog de la Psychologie du Sport. Le 23 Décembre 2015. http://www.psychologiesport.fr/apprendre-echec-sport/
- Les Flops des JO de RIO en 2016. Europe1.fr. Le 22 Août 2016. http://www.europe1.fr/sport/les-flops-des-jeux-olympiques-de-rio-2016-2827027
- Comment rebondir face à l’Echec en sport ?… L’Equipe. Alexandre Sotiaux. Le 20 Janvier 2015. https://m.lequipe.fr/Ilosport/Archives/Actualites/Comment-rebondir-face-a-l-echec/743555
- Un musée dédié aux Echecs commerciaux en Suède. Le Figaro. Elena Scappaticci. Le 26 Avril 2017. http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2017/04/26/20002-20170426ARTFIG00017-un-musee-dedie-aux-echecs-commerciaux-ouvre-bientot-en-suede.php
- L’Echec est un diplôme ! Huffington Post. Idriss Aberkane. Le 12 Janvier 2016. http://m.huffingtonpost.fr/idriss-j-aberkane/apprendre-echec_b_8955408.html